Auteur : Pasi Ilmari Jääskeläinen (Finlandais)
Éditeur : 10/18
Parution : 2017
Pages : 408
Résumé
Au sein d’un petit village finlandais prospère, une étrange société littéraire secrète composée de neuf écrivains se réunit autour de la figure tutélaire de Laura Lumikko, auteur à succès d’une série de livres fantastiques pour la jeunesse. En pénétrant peu à peu dans l’intimité de cette société, Ella, une jeune professeur de finlandais aux ovaires déficients, découvre que l’essentiel de l’inspiration des membres semble provenir d’un mystérieux carnet. Pendant ce temps, Laura Lumikko disparaît, tandis qu’une étrange peste semble s’être abattue sur les livres de la bibliothèque, qui voient leur fin subtilement altérée…
« Chaque mauvaise dissertation faisait une bosse dans l’esprit d’Ella. Parfois, les phrases fautives la poursuivaient pendant des journées entières et laissaient son esprit égaré et pâteux. Deux semaines plus tôt, elle avait fait les comptes et calculé que, dans sa vie, elle lirait et corrigerait encore près de soixante-quatorze mille cent quarante-huit copies. Ensuite on la mettrait à la retraite, la tête tout cabossée de phrases étrangères ».
Ce livre est mon second essai de lecture d’un livre d’un auteur nordique, et je ne sais pour quelle raison, le résultat est le même : je suis perplexe. Mais au moins, cette fois, j’ai achevé ma lecture. Le moins qu’on puisse dire c’est que j’étais séduite par le résumé qui me proposait un voyage intriguant : lieux éloignés et mystérieux, cercle littéraire étrange, auteur de jeunesse, carnet perdu, livres malades… ça avait l’air très chouette !
Comme dans « Le Palais de glace » de Tarjei Vesaas (norvégien), j’ai été frappée par l’omniprésence du froid, de l’obscurité, d’une peur primaire et instinctive. La neige crisse, les chiens errent, les créatures mythologiques taillés dans le bois et la pierre règnent partout, le long des chemins, dans les creux des arbres, et la forêt engloutit tout. Et cette obscurité fait naître la magie, l’étrangeté, aussi surement que la lumière provoque des ombres. La réalité se compose à l’aune du fantastique, à moins que ça ne soit l’inverse… ?
« Ce que Jäniskorpi prend, elle ne le rend pas ».
Il a bien fallu que je regarde des photos, que je tombe sur quelques-unes de ces statues étranges pour mieux comprendre le poids de la terre et de la croyance. J’ai eu envie d’avoir peur dans cette obscurité… C’est pour cela que je n’ai pas abandonné… mais…
Lumikko, c’est un livre qui ne vous permet jamais de savoir ce que vous êtes en train de lire, impossible ici de se reposer sur un contrat de lecture quelconque. Il est extrêmement déroutant, particulier. Mais je ne suis pas capable de vous dire si c’est une bonne chose ou non. Personnellement, je ressors assez frustrée de cette lecture, puisqu’au final, j’ai eu l’impression que l’auteur m’ouvrait les porte d’un univers et me la claquait au nez juste après que j’ai pu apercevoir quelque chose d’étonnant par l’entrebâillement.
Durant toute cette lecture, j’ai oscillé entre l’impression que je lisais un roman psychologique, un roman noir, un roman fantastique… Osciller, c’est bien le terme… C’est sans doute volontaire. Mais à force, c’est usant.
J’ai donc la désagréable impression d’être devant du flan, quelque chose de non-fini, il manque cruellement une conclusion à cet ouvrage. Alors on pourrait dire qu’on a qu’à s’imaginer ce que l’on souhaite… sauf que certaines « problématiques » ne sont même pas assez approfondies pour qu’on puisse commencer une quelconque théorie qui tiendrait la route…
Spoilers
Il y a bien, dans le monde tissé de Lumikko, une présence mythologique puissante et potentiellement dévastatrice. Une facette constitutive de ce monde. Je pense à tout ce qui entoure le personnage de Lumikko, sa « mort » et l’omniprésence d’une créature venant de l’étang – cette créature est sans doute aussi bien celle qui s’adresse à Martii, mais est-elle liée à tous les événements, telles que le Revenant ou les rêves que font tous les habitants. Est-ce que la surface glacée de l’étang agit comme un miroir, en glissant sous la surface, la petite Laura, 9 ans, aurait en fait libéré un doppelgänger ? Une nixe ? Son père a-t-il seulement sorti sa fille de la glace ou était-ce autre chose ?
« J’ai vu la fille venir sur la glace et son ombre est tombé sur moi »
En écrivant d’ailleurs ces lignes, je me suis d’ailleurs fait la réflexion que les références à des créatures mythologiques fluviales sont excessivement nombreuses. La mare de Lumikko ne s’appelle-elle pas la mare-aux-nixes ? Une marre habitée d’une ombre qui chuchote à l’oreille de Talvimaa ? Alors que ce même Talvimaa est hanté par un revenant et possède dans son jardin un arbre mort sculpté de la forme d’une sirène ? Un des personnages dont on parle le plus dans le Bourg-aux-monstres est Humidion : « un petit ondin qu’il nous faut aimer très fort ». Un choix singulier selon la chercheuse, puisque selon les croyances des anciens : « Les ondins sont les fantômes des noyés et ils sont jaloux des vivants ».
Tous ces indices (le trou dans la glace) font penser d’ailleurs à un moment donné que le dixième membre aurait pu se noyer…. Ou bien est-il ce revenant qui hante les membres du cercle de Jäniksenselkä… Sont-ils coupables de sa colère à cause d’un carnet dérobé ?
« Il y a parmi les arbres, l’herbe et les plantes printanières quelque chose de brumeux. Elle ne le voit pas bien, mais elle sent sur sa peau le froid qui en émane. C’est un fragment de la plus sombre nuit d’hiver, un trou béant dans la trame du jour ».
Ce qui m’a fait continuer ma lecture vaille que vaille, c’est le parfum mystérieux, horrifique et mythologique qui se dégageait du monde littéraire et du personnage de Laura Lumikko, de cette maison magique, de l’odeur de mousse et d’humidité, de cette porte sur un autre monde, de cette créature, cet ondin / cette nixe malfaisant.e qui semble rôder dans les parages de Laura ? En tout cas, quelque chose sur Talvimaa depuis un moment et semble avoir voulu l’emporter le jour de la disparition inexpliqué aussi, de Laura Lumikko. Et cette peste qui s’attaque à tous les livres de la bibliothèque en changeant les contenus de ces livres, c’est magique, mais pourquoi ? Comment ? Est-ce une maladie issue de l’autre monde ouvert par Lumikko ? ahhh trop de questions.
Outre ce coté fantastique, j’ai bien aimé les différentes interrogations et réflexions sur l’inspiration d’un écrivain, sur le pouvoir de la pensée magique des enfants, des souvenirs d’enfance qui peuvent se transformer au fil de l’imagination en quelque chose de terrifiant ou de magique, comme c’est le cas des souvenirs « déversés » par les écrivains adultes… qui n’ont pas d’autres solutions pour atteindre ces strates de souvenirs que de passer par des méthodes controversées et/ou douloureuses…
A noter aussi, la relation inspiration-réalité s’incarnant dans l’existence même du cercle avec la relation entre Lumikko et ses « enfants », presque parasités qu’ils sont par toutes ces années, à la manière de la pourriture qui s’étend sur les livres. D’ailleurs, j’aurai voulu que plus de 4 ou 5 membres de ce cercle soient développés, avec leur alter-ego dans le Bourg-aux-monstres.
Bref au risque de me répéter, très frustrée de ne pas avoir pu entrer plus avant dans l’univers mythologique de ce roman, qui m’a semblé a bien des égards plus passionnant que le « Jeu ». Je peux comprendre voire apprécier une dose d’incertitude ou de mystère, là, c’est presque la totalité du livre qui ne trouve pas de résolution… ou alors qui est trop confus pour être compris…
Ou-est-ce simplement le fruit de l’imagination d’enfants perturbés à l’imagination débordantes devenus auteurs à succès ?
Il y a beaucoup de belles idées, de réflexions, mais il y a aussi beaucoup de moments où j’ai levé les yeux au ciel et que j’ai failli abandonner ma lecture. Du fait de propos parfois trop problématiques, de passages qui mettent parfaitement mal à l’aise, … Le style de l’auteur (ou du moins sa traduction) est parfois pénible également, avec certaines expressions redondantes sur les personnages et leurs manières de se définir…
Et plus que tout, admettons qu’on accepte d’être constamment ballotté dans les genres littéraires… n’avoir qu’une conclusion incomplète est diablement frustrant ! Enfin… comme dirait un personnage … :
« le cadavre de Laura Lumikko n’est pas du tout dans la forêt. C’est dans nos rêves qu’il se terre ».
J’ai commencé ce roman cet été, j’en suis à la moitié mais je l’ai totalement mis de côté, j’arrivais plus à avancer … . J’étais cependant frustrée de ne pas continuer car la 4ème de couv’ annonçait un univers tellement intriguant … .