Amadeus


Regarder - La Caverne aux Miroirs / vendredi, mai 13th, 2005

Le vrai génie sans cœur est un non-sens. Car ni intelligence élevée, ni imagination, ni toutes deux ensemble ne font le génie. Amour ! Amour ! Amour ! Voilà l’âme du génie.

Wolfgang Amadeus Mozart – Extrait d’une Lettre – 11 Avril 1787

Immergée dans un univers de passion, dans une musique somptueuse… des images se mélangent encore à la lumière vibrante des bougies. Et des voix qui s’élèvent et se mêlent aux cieux, au divin…  Dans un seul homme se mélange la voix des anges et les frémissements de la chair et de la folie. Du génie ?…

amadeus-posterDu génie passionné, pourtant il ne me semble pas tant étrange de trouver tant de paradoxes chez un tel homme… il faut être un peu fou pour pouvoir créer de telles choses, certainement. Ou alors est-ce cette capacité à créer qui rend fou ?… Peut-être aussi, car d’avoir tant de choses à dire, on se laisserait emporter vers un autre monde, celui de la création, submergé par ses propres créations, sa propre folie, sa propre passion de créer. Est-ce l’homme qui possède l’œuvre ? Ou l’œuvre qui possède l’homme ?!

Mozart. Un homme pour une œuvre. Ou une œuvre pour un homme. Un homme et une oeuvre pour un mythe. Un film pour un mythe.

Un film

Mozart. Un homme infantile, insolent, désinvolte, vulgaire, grivois, lubrique, le rire idiot prompt à se déclencher… peu discret et distingué. On a bien du mal à se figurer ainsi celui qui a créé parmi les plus belles pièces de la musique classique. Un homme-enfant n’ayant pour vie dès qu’il quitte les sphères divines de sa musique, que la débauche, la chair, l’alcool, l’argent. Une vie d’une superficialité impressionnante en comparaison à sa musique à la profondeur parfois étourdissante.

Salieri. Un homme guindé, passionné de musique, pour qui elle n’est pas un don, mais la conséquence d’un travail appliqué et acharné depuis des années.

Une chose les sépare, c’est le talent incontestable de Mozart, ce don divin selon Salieri.

Mozart et Salieri, deux piliers soutenant un film faisant office, sans doute, de plus merveilleux hommage à la musique classique. Deux hommes si différents, que la musique finira par rassembler un court instant pour l’amour de la musique, mais quel instant… bouleversant !!

Une confrontation passionnée et passionnante. Un homme perdu dans un monde de frivolité à milles lieux de la vie quotidienne, qu’il gère mal… Univers pourtant indissociable de sa création. Et un autre, voyant la reconnaissance durement acquise vaciller, près à tout pour garder cette place.

Un homme face à un dilemme inouï, fou : cette adoration sans faille pour la musique de Mozart… mais ne le haïssant que plus à chacune de ses réalisations. Il est incroyablement lucide, conscient du peu de talent qu’il possède, et de sa petitesse vis à vis de son idole. Il ne peut qu’adorer Mozart, aussi bien qu’il ne peut que le haïr de toute son âme, et surtout ce Dieu qui a choisit telle créature pour incarnation. Pour lui, il n’y a pas d’hésitation, un tel don ne peut être que l’image de la grâce divine. Mais quelle souffrance, quelle ironie de choisir « cette créature » pour interprète plutôt que lui, qui s’est dévoué corps et âme à la musique et à Dieu.

« Celui qui m’avait donné la ferveur, avait fait de moi un muet… Pourquoi ?… »

Un homme tremblant, bouleversé de découvrir des partitions originales, troublé par la justesse et la perfection des notes, faisant défiler fébrilement les feuillets. Et laissant finalement s’échapper les pages, les yeux vides. Vaincu devant cette absolue beauté, il ne dira qu’une chose : « C’est miraculeux ».

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Pour finir, ce vieil homme à moitié fou, rongé par son histoire et la culpabilité qui raconte, avec amour et haine sa passion, et ainsi la vie de Mozart. Ses interventions touchantes ponctuant les flash-back, une structure narrative parfaite qui nous emmène sans difficulté dans la Vienne du 18 ème siècle… sans que même nous nous rendions compte de ce temps qui passe. Dans une époque brillante et tourmentée, remarquablement reconstruite.

Un mystère, des symboles, l’âme complexe du compositeur, ses blessures et ses obsessions.

Ce père omniprésent même outre-tombe, pour qui Mozart ferait tout… et l’image de ce fantôme qui le conduira peu à peu à la folie… quel étrange mélange…

Pour vous plaire, je vous sacrifierais volontiers mon bonheur, ma santé, ma vie.

Wolfgang Amadeus Mozart – Extrait d’une Lettre à son père – 19 Mai 1781

Rythmé par la oh combien sublime musique de Mozart, qui tient cela va de soit un rôle majeur dans le film, appui réel, et biographique, trame parfaite à l’histoire de l’homme, tant on y trouve avec limpidité son âme.

Cette musique, ce requiem… Ce requiem, une de mes pièces classiques préférées, un puits de larme, si profond et tellement, beau. Ce requiem, et cette scène. Cette scène qui voit s’éteindre la vie de l’homme. Cette scène déchirante, magique… cette musique qui se créé, naît des paroles d’un homme au seuil de la mort, cette osmose rassemblant les deux hommes, un Salieri passionné, abasourdit qui peine à suivre mais buvant les paroles de ce Mozart à l’inspiration impétueuse dans ses derniers sursauts. Et la musique apparaît, magique, à leurs oreilles, jouée par un orchestre invisible transfigurant les phrases.

Là où la musique sera la plus forte rassemblant les hommes au-delà de la mort et de la haine.

amadeus03Et par delà… tout ça… La réalisation et la technique, ce film ne serait ce qu’il est, s’il n’avait pas été porté par des acteurs fabuleusement bien choisit. Tom Hulce est un Mozart déjanté, qui a su avec grand talent et justesse donner vie au musicien de génie…

La jolie Elisabeth Berridge dont on peut apprécier le jeu de qualité dans sa présence sûre, forte et réaliste au coté de son impétueux et irréaliste époux. Mais… au-delà d’eux, il y a cet homme. F. Murray Abraham… un jeu d’une telle justesse, d’une telle finesse,… cette vérité qui nous apparaît, et nous éblouit, ce personnage émouvant qui insupporte, mais qu’on ne peut néanmoins s’empêcher de plaindre. Une personnalité tellement ambiguë, folle, mystérieuse. L’acteur nous emmène dans les méandres de l’esprit torturé de Salieri, et dans son amour infini pour la musique.

Pour un film de folie et d’humour décalé, d’amour et de haine, de beauté absolue et de génie… à l’image de celui qui l’a inspiré.

Au rythme parfaitement orchestré, à la beauté du mythe et du mystère…

Pour un homme, un mythe…

Pour une œuvre…

Pour la musique !

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